Et si on repensait notre rapport à l'argent ? Témoignage d'un président

Salut à tous,

Je partage avec vous une vidéo qui m’a profondément marqué et qui mérite réflexion au sein de cette communauté finance.(J’imagine)

José « Pepe » Mujica, ancien président de l’Uruguay (2010-2015), était surnommé « le président le plus pauvre du monde ». Pourquoi ? Parce qu’il reversait 90% de son salaire présidentiel et vivait dans une ferme modeste, refusant le palais présidentiel.

Cet homme n’est pas un naïf : ex-guérillero, emprisonné 14 ans sous la dictature, il connaît la dure réalité du monde. Pourtant, il défend une vision radicale : « Nous confondons développement avec croissance, et croissance avec consommation. Mais la vraie richesse, c’est le temps libre. »

Sa question dérangeante pour nous : À partir de quel moment notre quête de gains nous fait-elle perdre l’essentiel ? Quand l’argent, censé nous libérer, devient-il notre maître ?

Je ne prône pas l’abandon de nos ambitions financières, mais cette perspective interpelle : dans notre course aux rendements, gardons-nous le contrôle de nos vies ? Investissons-nous notre temps de manière cohérente avec nos vraies priorités ?

**Lien **: https://www.youtube.com/watch?v=myzYPjLiieI

Qu’en pensez-vous ? Cette philosophie de la « sobriété heureuse » a-t-elle sa place dans notre réflexion sur la richesse ? Quel sens que nous donnons a ces investissements ?

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Merci pour ce partage. J’ai découvert l’interview de Pepe Mujica avec émotion, et elle m’a aussi permis de découvrir le travail plus global dans lequel elle s’inscrit : le documentaire HUMAN de Yann Arthus-Bertrand.

Il y aurait tant à dire quand on touche à l’essence même de ce que nous sommes… Je vais donc me contenter ici d’une réponse à chaud, en suivant le fil de ma réflexion spontanée.

:compass: Investir sérieusement… pour mieux s’en détacher

Pour ma part, sur les questions d’investissement, je défends l’idée que le plus important est d’y réfléchir sérieusement une bonne fois pour toutes, prendre le temps de se poser, de concevoir une stratégie :

  • simple (merci le rasoir d’Ockham) ;
  • éprouvée scientifiquement (même si les black swans existent) ;
  • et conçue intuitu personae, c’est-à-dire en adéquation avec sa personnalité, ses besoins et ses contraintes de vie.

À défaut, on peut bien sûr déléguer, mais cela suppose alors un autre travail tout aussi essentiel : trouver un professionnel qualifié, compétent… et non biaisé (cc la leçon Mirage de Cayas).

Une fois en place, cette stratégie tourne presque toute seule, sauf événement majeur (changement de situation familiale, création d’entreprise, etc.). L’objectif à mes yeux n’est pas de s’obséder avec l’investissement, mais de s’en émanciper.

Autrement dit : compléter le « triangle du capitalisme » en ajoutant le rôle d’investisseur à ceux, déjà largement assumés (ou subis) dans ce Monopoly grandeur nature, de travailleur et de consommateur. Car ne rien posséder dans ce système, c’est le subir d’autant plus. C’est une logique de vases communicants : ne pas investir, c’est risquer d’être à côté de la plaque dans bien des scénarios, et plus encore en contexte inflationniste.

:chart_decreasing: Quand investir devient une forme subtile de servitude

Ce que je veux dire par s’en détacher, c’est qu’on atteint vite une forme d’absurdité quand on passe ses semaines à gérer ses investissements (hors métier concerné) : à faire du stock picking, à analyser des bilans d’entreprises, à gérer ses biens locatifs, ses annonces Airbnb, ses travaux, ses locataires, etc.

Tout ça pour, au final, souvent obtenir une performance nette de charge mentale inférieure à celle d’un portefeuille simple et bien conçu, pour un risque équivalent.

Je respecte que certains y trouvent un vrai plaisir, ça peut être un hobby, un jeu intellectuel. Mais pour beaucoup, cela devient une source de stress, de temps perdu, voire une illusion de contrôle.

Dans ces cas-là, je pense qu’il vaut mieux se poser une question simple :

  • Est-ce que je fais tout ça pour les bonnes raisons ?
  • Et surtout : qu’est-ce que je rate à côté en y consacrant autant d’énergie ?

Parce qu’au fond, le but n’est pas de vivre pour son portefeuille, mais de faire en sorte que son portefeuille serve sa vie.

« L’argent est un bon serviteur, mais un mauvais maître. »
Attribuée à Horace… mais qui sait si cette idée n’avait pas déjà été éprouvée bien avant lui ?

Comme le rappelait La Bruyère : « Tout est dit, et l’on vient trop tard. »

:man_in_lotus_position: La frugalité comme sagesse intemporelle

Le message de Mujica s’inscrit donc dans une sagesse vieille comme l’humanité. Depuis que nous pensons, certaines voix nous invitent à vivre plus simplement, en accord avec l’essentiel.

Par exemple dans l’Antiquité :

  • Épicure, dans son Jardin, prône un plaisir sobre et réfléchi, fondé sur l’aponie (l’absence de douleur) et l’ataraxie (la paix intérieure) → bien loin de l’image d’un hédoniste sans limites.
  • Les stoïciens, en particulier Épictète, insistent sur le fait que la vraie liberté ne réside pas dans ce qu’on possède, mais dans ce qu’on maîtrise en soi.
  • Diogène, avec son tonneau et son célèbre « Ôte-toi de mon soleil », pousse cette logique jusqu’au refus radical de tout confort matériel superflu.

Et sans doute bien d’autres encore, au Moyen Âge, à l’époque moderne, et aujourd’hui.

En tout cas, merci encore pour ce partage, les vidéos HUMAN valent vraiment le détour :relieved_face:

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Merci pour la recommandation !

J’ai beaucoup apprécié, je partage un certain nombre de ses idées et réflexions.

Tu as regardé le docu HUMAN dans son ensemble ? Si oui, tu le recommanderais ?

A+

Bien le bonsoir :sunflower:

Je laisse theos aussi faire son retour à ce sujet !

De mon côté, j’ai plongé dans ce projet colossal (et franchement sous-coté) : 2 000 interviews dans 65 pays, pour n’en garder que 110. Il y a un océan de contenu en ligne (interviews complètes, versions alternatives), mais le condensé de 3h vaut vraiment le détour.

Ce n’est pas un documentaire à “consommer”, mais une vraie pause. Pas un film à cocher sur une to-do, mais une expérience à accueillir. Dans l’esprit de Marina Abramović : « Pour recevoir l’art immatériel — comme une performance, un film, ou une œuvre brute — il faut ralentir, se déconnecter, et se rendre mentalement disponible. »

Trois choses qui m’ont marqué :

  1. Le film se présente sans commentaire, mais il est profondément politique. Chaque mot, chaque silence, chaque regard engage une vision du monde.
  2. Il rappelle une réalité brutale : 1 % des plus riches détiennent près de la moitié des richesses mondiales.
  3. Et il remet en perspective notre place : sur 8 milliards d’humains, seuls 15 % sont occidentaux. Rien qu’en Inde et en Chine, ils sont plus de 3 milliards.

Ce que je trouve le plus fort dans la forme : aucune voix off, aucun commentaire. Juste du brut. Et ensuite, ton esprit… face à lui-même.

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