L’article qui suit est une traduction réalisée à l’aide d’un LLM de :
Decoding the Bond Market par Victor Haghani et James White (Elm Wealth, 9 juin 2025)
Ils sont aussi les auteurs de « The Missing Billionaires », un livre qui dissèque la prise de décision dans un contexte d’investissement, la gestion du risque via la taille des paris (investissements), et comment prendre de meilleures décisions avec son patrimoine en tenant compte de l’utilité.
Décoder le marché obligataire
Par Victor Haghani et James White
Temps de lecture estimé : 7 minutes
« Le taux d’intérêt, réel et nominal, sur les actifs sûrs à long terme est sans doute le prix le plus important dans une économie capitaliste. »
— Martin Wolf, Financial Times, 3 juin 2025
Les marchés obligataires sont une source précieuse d’informations sur l’avenir. Si vous croyez en la sagesse des foules — surtout lorsque cette foule est large, dotée de beaucoup d’argent et concentrée sur les flux de trésorerie plutôt que sur les performances passées — alors vous serez curieux de savoir ce qu’elle pense.
Ce que dit le marché obligataire aujourd’hui
Certains messages du marché sont visibles, comme l’anticipation contenue dans les contrats à terme sur taux d’intérêt américains, qui indiquent une baisse des taux de la Fed de 1 % d’ici fin 2026, avant stabilisation. Mais les marchés obligataires vont bien au-delà de cela.
Interprétation des courbes de taux du 9 juin 2025 :
Échéance | Taux nominal sécurisé | Taux réel sécurisé |
---|---|---|
6 mois | 4,22 % | 1,00 % |
3 ans | 3,74 % | 1,20 % |
10 ans | 3,98 % | 1,64 % |
30 ans | 4,11 % | 1,83 % |
Ces taux correspondent à des obligations fictives sécurisées (encore plus que les obligations du Trésor), construites à partir d’instruments de marché.
Estimation des taux futurs
Trois étapes :
- Conversion en taux zéro-coupon puis taux à terme ;
- Ajustement de la convexité (le profit est actualisé à un taux plus faible que la perte);
- Intégration d’une prime de risque d’intérêt selon le modèle d’Andy Morton (2022)
Résultat :
- Taux nominal à long terme attendu : 3,85 %
- Taux réel : 1,75 %
- La différence entre les deux est l’inflation anticipée : 2,1 %
La Fed serait sans doute ravie de cette présomption de stabilité à 2 %, mais certains investisseurs trouvent cette hypothèse trop optimiste :
Mais : l’inflation moyenne sur 125 ans est de 3 %, et de 3,9 % depuis la fin de l’étalon-or.
La Fed, via sa « dot plot » de mars 2025, prévoit :
- Taux nominal à long terme : 3 %
- Taux réel : 1 %
Donc 1 % de moins que ce que le marché prédit.
Les primes de risque sur les taux
Intégrées dans les courbes de taux nominales et réelles :
- Obligations nominales : prime de 10 % du risque pris (→ Sharpe ratio = 0,1).
- Ex. : si une obligation a un risque annuel de 6 %, le gain attendu au-dessus du taux sans risque est de 0,6 %.
Pour les obligations indexées à l’inflation (TIPS) : Sharpe ratio de 0,08. Ça peut surprendre, car ces titres sont souvent considérés comme les plus proches d’un actif sans risque.
La prime de risque d’inflation pure est estimée à 7 %, donc inférieure à celle sur le taux réel, ce qui paraît contre-intuitif. Pourtant, le marché ne semble pas considérer l’inflation comme le risque systémique le plus important.
Estimer les primes via les performances passées ?
Deux limites :
- La prime de risque change probablement dans le temps ;
- Il faut beaucoup de données pour obtenir une estimation fiable.
Ex. : même avec un Sharpe ratio stable à 0,1 sur 30 ans, il y a 90 % de chances que la vraie prime soit entre -0,2 et 0,4.
Estimer la prime de risque du marché obligataire à partir des rendements historiques revient à estimer le rendement attendu du marché boursier en utilisant ses rendements passés, plutôt qu’une métrique prospective comme le Shiller Cape (inverse du ratio cours / bénéfices (P/E ratio). De manière générale, les métriques prospectives basées sur les flux de trésorerie, lorsqu’elles sont disponibles, offrent de meilleures estimations du rendement attendu que l’extrapolation des performances passées.
Le risque de défaut des bons du Trésor US
Échéance | Taux nominal sécurisé | Taux Trésor US | Spread |
---|---|---|---|
6 mois | 4,22 % | 4,27 % | 0,05 % |
3 ans | 3,74 % | 3,99 % | 0,25 % |
10 ans | 3,98 % | 4,49 % | 0,51 % |
30 ans | 4,11 % | 4,95 % | 0,84 % |
Hypothèse :
- 75 % de cet écart vient du risque de défaut ;
- 25 % est une prime de risque ;
- En cas de défaut, perte de 50 %.
On obtient une probabilité cumulée de défaut de :
- 10 % à 10 ans ;
- 50 % à 30 ans.
Certains y voient un signe alarmant, surtout vu la perte du AAA par les agences. D’autres évoquent des contraintes de bilan bancaire (balance sheet). Mais le spread croissant avec la maturité reste une source d’inquiétude.
Une façon d’interpréter ces taux est de considérer que les rendements plus élevés représentent une combinaison de perte anticipée en cas de défaut sur les obligations du Trésor américain et d’une prime de risque pour supporter ce risque de perte. En supposant qu’un défaut entraînerait une perte de 50 % sur les paiements promis, et que les trois quarts du spread reflètent une anticipation de défaut (et le dernier quart une prime de risque), on obtient une probabilité cumulée de défaut d’environ 10 % à l’horizon 10 ans et 50 % à l’horizon 30 ans.
Dans la mesure où l’on analyse les prix des obligations du Trésor américain à travers le prisme du risque de crédit, le message envoyé par des rendements à long terme supérieurs de presque 1 % aux swaps de taux d’intérêt correspondants est plutôt saisissant. Bien qu’il existe des interprétations moins alarmantes de ces spreads, comme par exemple des contraintes de bilan bancaire, le fait que la dette souveraine américaine n’ait plus la meilleure note de crédit des grandes agences suggère que les investisseurs ne devraient pas balayer trop rapidement le risque de défaut sur cette classe d’actifs majeure. En fin de compte, peu importe que cet écart reflète un déséquilibre de microstructure de marché ou un risque de défaut réellement significatif : le signal n’en est pas moins très négatif. Étant donné la nature potentiellement alarmante du message transmis par ce spread, il n’est pas exclu que le Trésor américain ou la Fed interviennent sur le marché des swaps à long terme en tant que payeur de taux fixe afin de réduire l’écart entre les obligations du Trésor à long terme et les swaps. Et ce ne serait pas une mauvaise opération non plus, puisque cela permettrait d’allonger la durée de la dette à un taux à court terme attendu de l’ordre de 4 %.
Conclusion
Selon les auteurs :
- Il est plus attractif de détenir une exposition aux taux d’intérêt via des obligations indexées sur l’inflation (TIPS).
- Si vous jugez le risque de défaut américain surestimé, ces titres sont doublement pertinents.
En règle générale, le marché obligataire est plutôt efficient, mais il peut parfois être en décalage important avec les attentes des investisseurs. Dans ces cas, savoir décrypter ses messages peut être très rentable.
Lectures & Références
- Cochrane, J. & Piazzesi, M. (2008). « Decomposing the Yield Curve. » SSRN.
- Fama, E. & Bliss, R. (1987). « The Information in Long-Maturity Forward Rates. » AER, 77, 680-92.
- Kim, D. & Orphanides, A. (2005). « Term Structure Estimation with Survey Data. » Fed Board.
- Kim, D. & Wright, J. (2005). « Three-Factor Term Structure Model. » Fed Board.
- Morton, A. (2022). « Inferring Rate and Term Premium. » Unpublished.
- Rebonato, R. (2018). Bond Pricing and Yield Curve Modeling. Cambridge UP.
- Stambaugh, R. (1988). « Forward Rates and the Term Structure. » J. Fin. Econ., 22, 3-25.
- Tuckman, B. & Serrat, A. (2022). Fixed Income Securities (4e éd.). Wiley.