Alors, gros sujet les portefeuilles diversifiés à levier. On va schématiser ici, ce sera un sujet que l’on va développer longuement dans les niveaux plus avancés de Cayas.
Il y a trois sujets interconnectés :
- le niveau de risque ciblé
- l’allocation d’actifs pour atteindre cette volatilité
- l’implémentation pratique avec les outils du bord
Commençons par le risque cible
On va supposer qu’un portefeuille avec un plus de 15% de volatilité annualisée est ce qui convient pour ton profil. 15% de volatilité, c’est à la louche ce qu’on peut attendre d’un 65% actions, 25% obligs et 10% commodities avec 150% de levier. C’est un portefeuille sur lequel on peut s’attendre à des pertes de plus de 30% tous les 20 ans.
C’est plutôt musclé, donc il faut faire attention à l’horizon des projets et ne pas surestimer son aversion au risque ! Jeune + revenus confortables + sécurité de l’emploi = gros capital humain et une épargne de sûreté, ce sont des ingrédients qui permettent d’envisager un portefeuille dynamique si l’on n’a pas de projets à court terme.
Les allocations pour cette volatilité cible
L’approche la plus simple pour taper autour d’une volatilité de 15% serait un 85% actions World / 15% cash. En gros, une approche où tu atteins la volatilité cible en dérisquant l’actif le plus risqué plutôt qu’en diversifiant.
L’espérance de rendement que j’espèrerais avec un portefeuille de ce genre est de l’ordre de 3% (au-dessus de l’inflation, brut de frais et de taxes). Oui, je ne suis pas hyper bullish sur les actions en ce moment. Les dernières « innovations » trumpiennes sur la façon de fixer les droits de douane n’aident pas à me rasséréner.
Selon mes hypothèses de marché du moment (qui ne sont pas à prendre pour argent comptant) un portefeuille à levier 65/25/10 pourrait taper dans les 3,5% (toujours réels bruts de frais et de taxes) avec des coûts de financement « optimaux » (comme les futures utilisées dans les ETF à levier).
Donc sur le principe, ça sent bon. 15% d’amélioration du rendement réel à risque équivalent, c’est pas si mal ! Cela nous rend aussi un peu plus résilient aux erreurs d’estimation de nos paramètres : on a moins de chances de s’être fourré autant le doigt dans l’œil
Il faut toutefois bien se rendre compte que le risque de ce portefeuille reste extrêmement dépendant des actions. Il n’est pas encore très diversifié (cf. ce post où j’explique ça). Pour vraiment diversifier à ce niveau de volatilité espérée, il faudrait envoyer beaucoup d’obligations, une grosse dose de levier, voire d’autres classes d’actifs…
La mise en oeuvre
L’implémentation en World + Cash sans levier à 15% de volatilité serait super simple à mettre en œuvre jusqu’à ~200k€ de patrimoine financier : le cash en livret réglementé, les actions en PEA. Au besoin on mobilise le fonds monétaire en PEA pour dérisquer. Roulez jeunesse.
Si on veut un portefeuille leveragé, là, c’est le drame.
Tu as eu une bonne intuition avec l’usage du CL2 en PEA. Je pense aussi que c’est l’une des formes de levier les plus efficaces pour les investisseurs particuliers, même si maintenir le taux de levier et l’allocation cible du portefeuille peut être casse-pied. Comme les actions sont volatiles et sont ta source de levier, tu peux vite te retrouver assez éloigné de ta cible. Les frais des ETF à levier sont significatifs, mais l’avantage fiscal du PEA et la possibilité de dérisquer instantanément vers du fonds monétaire font passer la pilule.
Pour l’ETF matières premières, tu pourrais envisager le iShares Commodity Swap. Il suit un indice qui me paraît moins efficace que celui que tu as choisi, mais éligible au PEA. La possibilité de rééquilibrer au sein de l’enveloppe fiscale est assez précieuse sur des actifs volatils et peu corrélés.
Est-ce que ça améliorerait nécessairement l’espérance de rendement portefeuille en net de taxes par rapport à un ETF un peu meilleur mais en CTO ? Pas de certitude pour l’instant, mais mon intuition est que oui !
Le gros hic, c’est comment s’exposer efficaciement à l’obligataire. L’espérance de rendement de l’obligataire n’est pas colossale, de l’ordre de 3% pour hedgé en €. Enlève l’inflation, les impôts et les frais, il ne reste pas lourd. Il faut donc faire la chasse aux frais et avoir un levier significatif (la dette subit aussi l’inflation !) sans quoi on se retrouve vite avec l’espérance de rendement du cash, mais plus de volatilité.
Avoir une part conséquente du capital en AV (40% voire 50% si les commodities y sont aussi), c’est empiler encore une couche de frais. Cela rabote sérieusement l’espérance de rendement du portefeuille.
Autrement dit, il faut que tu essaies d’évaluer quelle espérance de rendement nette de frais et de taxes tu peux espérer de ce portefeuille diversifié à levier. Cela t’oblige à définir quand tu retires les fonds, vu que l’impôt se règle à la fin. Il se peut que l’option avec des obligations ne soit pas optimale pour ce niveau de risque (avec les outils que tu t’autorises).
Pourtant, si tu évalues que les espérances de rendement nettes de tout sont équivalentes à quelques dixièmes de %, j’aurais tout de même tendance à privilégier l’allocation diversifiée.
Tu peux aussi envisager une combo Actions + Commodities + Cash avec une volatilité similaire à ce que tu cibles. Ce serait une allocation sans levier, mais un poil plus diversifiée qu’un 100% actions. Note : le levier, c’est du cash négatif. Ce serait absurde de garder du cash dans l’allocation avec levier, hormis pour une petite réserve de liquidité rapidement accessible.
Vu ton allocation, tu pourrais aussi envisager en CTO, je crois que Wisdom Tress vient de sortir un ETF à levier 60% World, 40% Global Aggregate avec un levier x1,5. Très efficient, pas de problème de rééquilibrage. Mais la fiscalité est moins bonne que le PEA, donc pas sûr que ce soit gagnant face à un PEA sans levier non plus…
Il s’agit juste de pistes à explorer et je pense que ton approche est saine ! Ton allocation me semble avoir un niveau de risque raisonnable vu ton contexte et elle devrait mieux résister qu’une allocation 100% actions si on se prend un gros bear « classique ».
Pour le moment je n’ai pas complètement craqué le modèle pour évaluer la solution préférable pour chaque profil de l’utilisateur. Il est compliqué celui-là, surtout si on veut répondre aux besoins du citoyen moyen et qu’on s’interdit à aller voir du côté des produits dérivés !