[Podcast] Décarbonons la France - Jean-Marc Jancovici chez GDIY

Dans le cadre de la levée de fonds participative du Shift Project, destinée à financer une campagne d’influence sur le débat public en vue de l’élection présidentielle de 2027, Jean-Marc Jancovici est passé sur le podcast Génération Do It Yourself, animé par Matthieu Stefani.

L’échange est dense (2h51), mais comme souvent avec Jancovici, il pousse à la réflexion sur de nombreux sujets.

Pour faire le lien avec Cayas et la gestion de patrimoine, on peut s’interroger sur les conséquences d’un contexte de décrue énergétique subie en Europe depuis 2007 sur nos stratégies patrimoniales.

Nombreux sont ceux qui raisonnent en extrapolant les performances du passé, des performances rendues possibles par une croissance exponentielle de la consommation d’énergie. Mais que se passe-t-il dans un monde en stagnation ou sous contrainte ?

Peut-être que cela ne remet pas en cause les grands principes d’allocation d’actifs : les entreprises continueront peut-être à extraire efficacement de la valeur du système économique.

Mais au même rythme que durant le dernier siècle ? Hmm, pas sûr :slight_smile:

Qu’en pensez-vous ?

A+ :rock:

→ Lien vers l’entretien sur YouTube, Apple Podcast, Spotify.

→ Lien vers la levée de fonds participative sur Ulule « Décarbonons la France », se terminant le 27 juin.

Résumé du podcast et des sujets abordés, généré par un LLM :

1. Contexte général et message d’alerte

Jean-Marc Jancovici alerte sur un point fondamental : nous vivons dans un monde construit sur l’abondance énergétique, principalement grâce aux combustibles fossiles. Cette abondance touche à sa fin, en particulier en Europe, qui est entrée dans une phase de décrue énergétique depuis 2007. Cela implique de profonds bouleversements à venir.


2. Constats physiques et économiques

  • Baisse de l’énergie disponible en Europe : L’Europe importe 97 % de son pétrole et 90 % de son gaz. Elle a déjà dépassé son pic d’approvisionnement énergétique.
  • Indicateurs physiques en baisse : Le nombre de tonnes transportées par camion et les mètres carrés construits diminuent depuis 2007.
  • PIB en trompe-l’œil : La croissance du PIB est souvent artificielle, masquant une décroissance matérielle réelle. Exemples : hausse des services, prix de l’immobilier, honoraires.

3. Conséquences sociales et politiques

  • Déconnexion entre élites et population : Une partie de la population vit la décroissance énergétique sans le savoir, tandis que les élites, connectées à la mondialisation, en sont protégées.
  • Montée du populisme : Jancovici relie l’incompréhension de cette crise énergétique à la montée des partis populistes. Il évoque une fracture démocratique croissante.
  • Fragilité de notre modèle social : Les acquis sociaux (retraite, vacances, 35h) reposent sur la productivité énergétique des machines. Moins d’énergie = moins de confort collectif.

4. Vision énergétique et climatique

  • Pas de « croissance verte » possible : On ne peut pas découpler croissance économique et hausse des nuisances physiques (CO₂, pollution, ressources).
  • La fusion nucléaire ne sauvera pas tout : Même une énergie propre infinie entraînerait une surconsommation destructrice si mal encadrée.
  • Transition vers l’électricité : Favoriser une réduction drastique de la consommation fossile, en substituant avec de l’électricité décarbonée et locale (nucléaire + renouvelables).

5. Solutions proposées par le Shift Project

  • Repenser la mobilité : Limiter les vols aériens (idée de quotas personnels), développer des transports moins énergivores, notamment pour les marchandises.
  • Réduire la taille des voitures, isoler les logements : Pour diminuer la demande énergétique structurelle.
  • Plan de transition pour 2027 : Objectif de proposer des mesures concrètes à la société civile et aux décideurs avant la prochaine présidentielle.
  • Travailler avec les entreprises, sans dépendance : Le Shift Project accepte les financements privés, mais refuse de se faire dicter ses analyses.

6. Place du politique et de la société civile

  • Méfiance envers le pouvoir politique actuel : Selon Jancovici, la plupart des politiques ne comprennent pas les enjeux physiques (liens entre énergie et prospérité).
  • Changement par la base : C’est à la société civile d’imposer le changement par une pression croissante sur les décideurs.
  • Nécessité d’un narratif constructif : Transformer la contrainte énergétique en projet collectif désirable plutôt que vécu comme une punition.

7. Rapport au nucléaire et aux ENR

  • Nucléaire comme pilier de la décarbonation : Jancovici défend un mix énergétique où le nucléaire reste central, en complément des renouvelables.
  • Critique des politiques passées : Il condamne l’abandon d’une industrie nucléaire performante au profit d’un photovoltaïque importé de Chine à forte empreinte carbone.
  • Souveraineté énergétique : Ramener la production sur le sol national est un impératif, mais il faudra pour cela libérer de la consommation ailleurs.

8. Philosophie de vie et sobriété

  • Profiter sobrement : L’avenir n’est pas nécessairement triste. Mais il faudra accepter de renoncer à certaines formes de confort (ex. voyages fréquents en avion).
  • Redonner du sens à la consommation : Réduire l’empreinte carbone passe par des choix culturels, sociaux et politiques forts, collectivement partagés.

Conclusion

Jean-Marc Jancovici appelle à une révolution tranquille : celle de la lucidité physique et de la sobriété choisie. Le Shift Project cherche à rendre cette transition non seulement acceptable, mais souhaitable, dans une perspective de long terme. Le cap est clair : décarboner tout en protégeant la cohésion sociale. Le moment d’agir, selon lui, est maintenant, avant que les contraintes physiques ne nous y obligent dans la douleur.

2 citations :

« L’énergie, depuis l’origine de notre espèce et encore aujourd’hui, est le premier facteur limitant de notre activité. »

« Une croissance verte, c’est un système physique dans lequel on arriverait à faire croître la production tout en faisant décroître les nuisances engendrées par la production. Or, ça reviendrait à dire qu’on arrive à faire croître les flux physiques en faisant décroître les perturbations engendrées par les flux physiques. Et ça, j’ai envie de dire, c’est physiquement impossible. »


Explication du paradoxe de Jevons :

Lorsque l’efficacité d’utilisation d’une ressource augmente, sa consommation totale peut finalement augmenter au lieu de diminuer.

Autrement dit, plus on devient efficace, plus on a tendance à consommer, parce que l’usage devient plus abordable, plus accessible, et s’étend à plus de domaines.

Exemple historique (et origine) :

Jevons observe au XIXe siècle que les machines à vapeur devenaient plus efficaces, donc consommaient moins de charbon par unité de travail produit. Mais cela n’a pas fait baisser la consommation totale de charbon. Au contraire :

  • Le coût d’usage a baissé.
  • Les machines ont été utilisées davantage.
  • L’économie a globalement intensifié son usage de charbon.

Exemples contemporains

  • Voitures modernes : Une voiture consomme moins de litres/100 km qu’il y a 60 ans. Pourtant, on est plus nombreux à en avoir une, on roule plus souvent et plus loin.
  • Appareils électroménagers : Les frigos et lave-linge sont plus efficaces… mais plus nombreux par foyer, plus gros, et utilisés plus fréquemment.
  • Numérique : Les centres de données gagnent en efficacité énergétique, mais la demande explose (streaming, IA, cloud), ce qui augmente leur consommation totale.
    Les datacenters mondiaux consommeront autant d’electricité que le Japon en 2030. (Source AIE : Agence internationale de l’énergie)

Implication pour la transition énergétique

Le paradoxe de Jevons montre qu’améliorer l’efficacité énergétique seule ne suffit pas à réduire notre impact écologique. Il faut :

  • Accompagner les gains d’efficacité par des politiques de sobriété.
  • Mettre en place des plafonds, quotas, ou prix pour encadrer la demande.
  • Penser en termes de consommation totale et pas seulement d’optimisation locale.

Vu les ressources dont on dispose en Europe, si on continue à jouer le jeu économique classique basé sur la consommation de fossiles, on n’a clairement aucune chance face aux USA, la Chine ou la Russie, qui eux ont des ressources énormes en comparaison (bien que limitées) :slight_smile:

À ce jour, le pic de production mondiale de pétrole aurait été atteint en 2018. La production devrait rester relativement stable jusqu’en 2030, avant de vraisemblablement décliner rapidement par la suite.