Yo ! On a déjà parlé de ce sujet sur mon journal. Je pense qu’il mérite son propre fil de discussion.
J’avais préparé une note, jamais publiée, rassemblant des arguments pour répondre aux objections courantes sur les voitures électriques.
Au plaisir d’échanger ou de débattre à ce sujet
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10 idées reçues sur la voiture électrique (et leurs réponses)
1. Des voitures à 40 000€ ? Vous pensez que tout le monde peut se l’offrir ?
Aujourd’hui, un véhicule électrique neuf représente un investissement initial significatif, mais ce coût est largement compensé par un coût d’utilisation extrêmement réduit par rapport à un véhicule thermique. Les économies réalisées sur le carburant, l’entretien et les réparations rendent le coût total de possession d’un véhicule électrique souvent inférieur à celui d’un véhicule thermique équivalent.
Ainsi, le coût total de possession d’un véhicule électrique est déjà plus avantageux que celui d’un véhicule thermique. Par exemple, certains chauffeurs de taxi rapportent des économies de carburant pouvant atteindre 10 000 € par an.
De plus, l’une des voies d’accès vers le véhicule électrique devrait être le marché de l’occasion, qui promet de se développer considérablement dans les années à venir. En 2021, ce marché a doublé et continue de croître, notamment parce que l’écart de prix d’achat entre les véhicules électriques et thermiques se réduit progressivement. Cela rend les véhicules électriques plus accessibles à un plus grand nombre de personnes, facilitant ainsi la transition vers une mobilité durable pour tous.
2. La voiture électrique n’est pas plus écologique que la voiture à essence. La fabrication de véhicules électriques émet plus de CO2 que leurs équivalents essence ou diesel.
Produire une voiture électrique émet effectivement plus de CO2e que son équivalent thermique, principalement à cause de la fabrication des batteries. Cependant, ce surplus est largement compensé par les réductions d’émissions durant l’utilisation. En France, une voiture électrique émet globalement 3 à 4 fois moins de CO2e sur sa durée de vie que son équivalent thermique.
Les évaluations des scientifiques montrent qu’il faut parcourir environ 30 à 40 000 km (soit 2 à 3 ans d’utilisation moyenne) pour que la voiture électrique devienne plus avantageuse pour le climat qu’une hybride légère.
Une automobile parcourt environ 200 000 km au cours de sa vie, ce qui fait qu’un véhicule électrique réduit les émissions de manière incontestable sur cette période.
Même pour les seconds véhicules des ménages, qui roulent peu, le faible coût kilométrique des voitures électriques les incite à être davantage utilisés, potentiellement devenant les premiers véhicules en termes d’usage.
3. Impossible que tout le monde roule en électrique, il n’y a pas assez de terres rares.
Contrairement à ce que leur nom indique, les « terres rares » ne sont pas si rares sur Terre en quantité. Il s’agit de métaux en fait aussi abondants que le nickel ou le cuivre, mais beaucoup plus dispersés dans la croûte terrestre, d’où leur nom. De par leurs propriétés similaires, elles sont utilisées dans la fabrication de produits de haute technologie.
Aujourd’hui, il n’y a pas de terres rares dans la majorité des batteries qui équipent les voitures électriques, et certains moteurs électriques peuvent contenir des terres rares mais des alternatives existent.
Cependant, il y a quand même un enjeu de matières premières car les batteries utilisent des métaux à forte criticité, c’est-à-dire dont l’approvisionnement est un enjeu particulièrement important.
On peut citer par exemple le cobalt et le lithium, mais aussi des métaux moins critiques aujourd’hui, mais qui pourraient le devenir compte tenu des trajectoires de production exponentielle attendues, comme le nickel, le graphite, ou encore le cuivre.
S’il n’y a pas de risque identifié de manque physique de ressources à horizon 2030, la forte croissance de la demande pourrait induire des risques d’approvisionnement et des déséquilibres sur le marché.
La tension à prévoir sur les matières premières pour la production de batteries devrait favoriser naturellement l’essor du recyclage comme approvisionnement ou de nouvelles chimies de batteries pour réduire l’utilisation de métaux à forte criticité.
4. L’hybride est une meilleure solution.
Le véhicule hybride rechargeable semble constituer aujourd’hui la solution idéale pour répondre à l’enjeu climatique :
C’est un moyen commode pour les constructeurs de satisfaire à leurs obligations réglementaires (en Europe), grâce à un protocole d’homologation des émissions qui avantage considérablement le véhicule hybride rechargeable, eu égard aux émissions réelles, c’est une technologie rassurante pour les automobilistes se sentant certes concernées par les enjeux environnementaux, mais pas encore prêt·es à franchir le pas du 100% électrique.
Pourtant, cette technologie souffre de réels défauts qui la rendent difficilement compatible avec l’ambition de décarboner presque complètement la mobilité individuelle à l’horizon de 20 ans :
Le mode électrique est peu utilisé en réalité (moins de 40% des kilomètres), du fait de l’existence du moteur thermique, son moteur thermique est en général moins performant que l’état de l’art des véhicules essence/diesel comparables…
D’autant plus que la présence de deux motorisations, plus la batterie, augmente significativement la masse d’un tel véhicule, et donc sa consommation (thermique ou électrique). Ainsi, le véhicule hybride rechargeable ne permet en général qu’un gain carbone de 15-20% (contre 60-70% pour un véhicule 100% électrique), ce qui est insuffisant par rapport aux enjeux climatiques et n’est pertinent qu’en de rares cas particuliers.
5. Produire une batterie, ça pollue non ? Et ce sont des enfants qui travaillent dans les mines ?
Au côté de l’impact climatique (les émissions de gaz à effet de serre) et de la qualité de l’air (les émissions de polluants à l’usage), il est important de considérer d’autres impacts sociaux et environnementaux du véhicule électrique.
Les batteries et moteurs de véhicules électriques, comme tous produits électroniques complexes, contiennent un nombre important de matériaux dont l’extraction et le raffinage ne sont pas sans impact.
Le débat se focalise souvent sur le lithium et le cobalt nécessaires à la production des batteries. Ces enjeux sont réels : par exemple l’impact sur les ressources en eau des « salars » andins (d’où est extrait le lithium) ou les conditions de travail dans les mines de cobalt en République démocratique du Congo. Toutefois, ces deux métaux représentent 4% du poids moyen d’une batterie.
Le cuivre (9%), le graphite (9%), l’acier (9%) et l’aluminium (29%) sont ainsi utilisés en bien plus grandes quantités, et avec parfois des enjeux environnementaux et sociaux tout aussi importants, quoique moins médiatisés.
Les risques et les controverses sont multiples (gestion des déchets, pollution de l’eau, pollution de l’air, conditions de travail, etc.) comme l’illustre le « transition mineral tracker » (Transition Minerals Tracker - Business & Human Rights Resource Centre).
La sobriété et le recyclage apparaissent encore parmi les éléments clés de réponses à ces questions.
Par ailleurs, pour ne pas donner une image caricaturale, ces problèmes spécifiques aux minerais pour les batteries (des véhicules électriques comme de beaucoup de nos appareils électroniques) doivent être mis en regard des controverses qui portent sur l’industrie pétrolière. Les marées noires et les atteintes aux droits de l’homme, en plus des conflits armés qui ont émaillé l’histoire du pétrole, sont le triste rappel que les véhicules thermiques, aussi, dépendent d’une activité extractive problématique.
6. Impossible de faire des longs trajets en voiture électrique.
Il est tout à fait possible de faire de très longs trajets en véhicule électrique.
Le réseau chargeurs rapides est dense partout en Europe et permet de recharger 80% de la batterie en 20 minutes.
Le temps de trajet global est presque identique qu’en thermique si l’on respecte les pauses toutes les deux heures recommandées par la Sécurité routière.
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Parmi les freins à l’adoption de l’électromobilité par les automobilistes figure systématiquement dans le top 3 la question de l’autonomie des véhicules électriques. Quand bien même 95% des déplacements en voiture ne dépassent jamais 300 km pour l’écrasante majorité des français.es, cette contrainte de devoir recharger pour couvrir de longues distances reste un obstacle mental fort.
Dans les faits pourtant, il existe désormais environ 60 000 points de charge publics en France, afin de permettre de franchir de grandes distances. Ça reste insuffisant si on se projette avec un parc électrique de plusieurs millions de véhicules, mais les pouvoirs publics ont affiché des ambitions renforcées pour développer ce réseau. En fonction des régions et des aires urbaines, il y a cependant une grande hétérogénéité, ce qui peut causer ponctuellement des problèmes, du fait de difficultés d’accès à la recharge (par ex. les stations touristiques lors des périodes de forte fréquentation).
En pratique, la longue distance se conjugue de toute façon, et quel que soit le type de véhicule, avec des temps de pause pour réduire les risques liés à la fatigue.
La mobilité électrique a ceci de différent qu’elle impose ces arrêts aux endroits équipés de points de charge, d’où l’importance de les positionner près de lieux de restauration ou de loisirs. Au bout du compte, la longue distance avec une voiture électrique est tout à fait envisageable, à condition de planifier un minimum son parcours et d’accepter de passer un peu plus de temps sur la route (moins d’une heure de plus pour un trajet entre 300 et 500 km).
En consentant à cette contrainte, n’oublions pas qu’on réduit l’impact du trajet sur le climat d’un facteur 3 à 4.
Le jeu n’en vaut-il pas la chandelle ?
7. L’hybride rechargeable est supérieur à l’électrique pour les longs trajets.
Le véhicule hybride rechargeable est l’exemple-type de l’irrationalité économique en matière d’automobile : le choix des automobilistes est en effet le plus souvent dicté par le cas d’usage le plus contraignant au lieu du cas d’usage le plus fréquent (ex : achat d’une grosse voiture puissante de 5 places, pour 4 trajets au complet dans l’année supérieurs à 500 km, alors que 90% du temps d’utilisation est consacré à des parcours de quelques dizaines de kilomètres avec 1 à 2 personnes au plus à bord).
Le véhicule hybride rechargeable correspond tout à fait à cette irrationalité de choix, sur la base d’une idée apparemment bonne de combiner le « meilleur des deux technologies » (électrique et thermique) pour couvrir tous les cas d’usage.
Dans les faits, la situation apparaît sauf rare exception comme sous-optimale économiquement (véhicule plus cher et plus complexe à entretenir) et environnementalement.
8. Si tout le monde passe à l’électrique, est-ce que le réseau électrique va tenir ?
La question de la puissance requise pour charger les voitures électriques soulève des préoccupations concernant l’équilibre du réseau électrique.
Les modélisations de RTE (Réseau de Transport d’Électricité) montrent que l’impact peut être géré sans difficultés avec un pilotage intelligent de la charge via les smart grids et les signaux tarifaires. Sans pilotage, la charge de 8 millions de véhicules électrifiés représenterait 8 GW lors de la pointe hivernale de 19h, alors que le parc électrique français a une capacité de pointe de plus de 100 GW. Avec un pilotage, cette puissance nécessaire serait réduite à 3,5 GW.
L’évolution des autres usages électriques d’ici 2030 devrait également réduire la pointe. Ainsi, le développement à grande échelle des voitures électriques en France est gérable pour le réseau électrique dans les 10 prochaines années, même sans recharge pilotée, à condition de maintenir les capacités actuelles.
Cependant, des congestions peuvent apparaître au niveau local, nécessitant des renforcements du réseau de distribution. À plus long terme, avec un parc de 20-25 millions de véhicules, des investissements seront nécessaires mais gérables, à condition d’une anticipation adéquate. Les pouvoirs publics joueront un rôle crucial dans ce processus.
9. Si on remplace toutes les voitures thermiques par des voitures électriques, doit-on construire des nouvelles centrales nucléaires ou des milliers d’éoliennes ?
La consommation d’électricité en lien avec le développement de la mobilité électrique ne pose pas de contrainte en termes de production électrique, même avec un volume très important de véhicules. Pour s’en convaincre, il suffit de mettre en regard deux données : 12 millions de voitures électriques (dont les voitures hybrides rechargeables) généreraient une demande d’électricité d’environ 30 TWh selon RTE (Réseau de Transport d’Électricité), soit une quantité équivalente à environ 5 à 6% de la production nationale actuelle.
Par quel miracle ? Simplement du fait d’un rendement énergétique 3 à 4 fois supérieur pour un moteur électrique par rapport à un moteur thermique.
Par ailleurs, cette consommation d’électricité propre à l’électro-mobilité individuelle ne s’additionnerait pas à la consommation actuelle car elle serait en grande partie compensée par la baisse générale de la consommation à moyen terme pour les autres usages (effet de l’efficacité énergétique dans l’industrie ou le résidentiel-tertiaire).
Enfin, la batterie du véhicule connectée au foyer peut permettre de réguler la tension sur le réseau.
On pourra utiliser l’énergie stockée en période de pointe et recharger la batterie en période creuse, par exemple pendant la nuit.
10. Géopolitique : est-ce que le véhicule électrique va créer de nouvelles dépendances vis-à-vis de puissances étrangères ?
La production automobile a longtemps été un symbole de souveraineté économique pour l’Europe, surtout avec les voitures thermiques et leur expertise dans les moteurs complexes. Cependant, le marché des véhicules électriques était largement dominé par la Chine, mettant en question cette souveraineté.
En 2020, les immatriculations de voitures électriques en Europe ont finalement dépassé celles de la Chine, mais la dépendance aux batteries importées reste un défi. Bien que de nombreuses gigafactories européennes soient en projet, la fabrication des batteries continue de dépendre de matériaux minés en dehors de l’Europe, comme le cobalt et le lithium.
Cette situation souligne la nécessité urgente pour l’Europe de promouvoir la production de batteries sur son sol tout en acceptant l’importation des matières premières. Cependant, cela ne doit pas occulter l’importance de la réduction de la dépendance au pétrole.
Alors que la voiture thermique crée une dépendance aux pays producteurs de pétrole, le véhicule électrique permet de s’en affranchir en s’appuyant sur un mix énergétique diversifié. Le dernier plan de l’Agence internationale de l’énergie pour réduire la dépendance au pétrole russe accorde donc une importance majeure au développement des véhicules électriques.
Dans un monde qui s’oriente vers l’électrique, il est essentiel pour l’Europe d’agir rapidement pour réduire sa dépendance au pétrole et de tirer parti de ses atouts dans ce domaine.