@Aska puisque tu voulais creuser le sujet, je décale la suite de la discussion ici.
A titre personnel, je n’ai plus d’actifs cotés en Bourse estampillés SRI.
Je détiens en revanche des participations substantielles en énergies renouvelables (~10% de mes actifs nets, en croissance). Cayas a un un objectif sociétal . Je fais isoler et électrifier deux baraques (la mienne et un locatif). Bref, j’investis du temps et des pépettes dans des thématiques dites ESG.
Philosophiquement, je souhaite que les entreprises aient une approche toujours plus vertueuse des affaires : réduction des externalités négatives telles que la pollution, respect des salariés, transparence, etc.
Cela amène à plusieurs questions :
- Les estampilles ESG/SRI mesurent-elles bien le progrès des entreprises sur ces sujets ?
- Investir dans des ETF SRI/ESG incite-t-il vraiment les entreprises à progresser sur ces sujets ?
- Est-ce que je vais perdre du rendement en agissant ainsi ?
- Ai-je d’autres moyens plus efficaces pour contribuer à cet objectif ?
1/ Chacun aura un baromètre différent sur ce qu’il considère clean et souhaitable. Je pense que les démarches ESG/SRI vont dans le bon sens, même si j’ai quelques interrogations sur certains partis pris. Néanmoins, je veux de l’impact, pas de la pureté idéologique. Ces divergences sur la définition de « clean » entre personnes qui s’en soucient sont au final mineures par rapport à ceux qui s’en battent totalement les gonades.
2/ Il me semble qu’il y a deux phénomènes avec des effets opposés.
D’un côté, plus il y a de la demande pour les actifs ESG, plus les entreprises ESG réduisent le coût de leur capital. Si la demande pour leurs actions augmente, le prix des actions augmente, donc l’entreprise peut faire des augmentations de capital sans céder un % important ; si les investisseurs préfèrent les obligations ESG, il devient moins cher de lever de la dette. Cela incite les entreprises à améliorer leur score ESG.
D’un autre côté, les entreprises mal notées peuvent se dire que, quitte à ne pas être ESG, autant y aller franco et ne pas se préoccuper des externalités négatives si ça permet d’optimiser les profits. J’ai l’impression que les entreprises sont de moins en moins inclines à le faire car ça marche de moins en moins bien : les réglementations se préoccupent de plus en plus de ces problèmes, les consommateurs font (un peu) attention aux conditions de fabrication des produits qu’ils achètent, une boîte avec des salariés satisfaits a tendance à mieux fonctionner, etc.
En investissant en non ESG, on peut aussi se dire qu’on aide les entreprises à la traîne à avoir un coût du capital suffisamment faible pour avancer dans leur transition.
Bref, j’en sais trop rien, il faut que je me cultive sur le sujet. 
3/ A priori, on aura moins de rendement en prenant de l’ESG.
Revenons aux principes fondamentaux : les marchés sont relativement efficients et les prix des actifs correspondent à la meilleure estimation de leurs rendements futurs compte tenu des infos disponibles. Par conséquent, si être ESG donne de meilleures perspectives économiques à une boîte (en l’état des connaissances ou croyances actuelles), a priori c’est déjà intégré dans le prix de ses actions (et les non ESG ont déjà été pénalisées).
Autrement dit, les prix des actions des entreprises ESG n’ont pas de raison théorique de mieux performer que celles des entreprises non ESG !
Les modèles théoriques de détermination du prix des actifs nous disent que l’espérance de rendement des investisseurs provient des primes de risques auxquelles ils s’exposent (risque de marché, facteurs de risques spécifiques comme le value, risque de taux, risque de crédit…). Ces modèles nous disent aussi que certains risques n’ont pas de prime associée (risque idiosyncratique d’une entreprise, préférences de l’investisseur).
Et c’est bien là que le bât blesse : investir en ESG est une préférence de l’investisseur. Il n’y a a priori pas de prime de risque à avoir une préférence ESG de manière plus marquée que la moyenne des investisseurs, indépendamment du fait que les entreprises ESG fonctionnent mieux ou non sur le plan économique.
Toutes les actions doivent avoir un détenteur. Si les investisseurs convaincus par l’ESG boudent les actions « pas clean », cela veut dire qu’ils les sous-pondèrent par rapport à la moyenne du marché. Il faut donc que les autres investisseurs les sur-pondèrent. Quelle raison peut-on avoir de surpondérer quelque chose qui n’a pas une meilleure espérance de rendement a priori ? Parce que ceux qui veulent s’en débarrasser cassent les prix par rapport à la valeur fondamentale.
Après, force est de constater que le MSCI World SRI a légèrement mieux marché que le MSCI World depuis 2007. Quoique moins bien sur les 5 dernières années. Je vais invoquer nos copains de l’AMF : les rendements passés ne préjugent pas des rendements futurs.
On pourrait tout à fait imputer cette surperformance (faible) au fait que les préférences des investisseurs pour l’ESG ont augmenté sur cette période. Les prix ont monté parce que les investisseurs ayant une préférence ESG ont bazardé leurs autres actifs pour acheter plus d’actions ESG que le reste. Ce serait alors un effet de type momentum lié à une hausse de la demande transitoire, le temps que les préférences de l’investisseur moyen aient fini de s’ajuster.
4/ Je vois trois façons potentiellement plus prometteuses que le choix de mes ETFs pour orienter le monde dans les directions que je juge souhaitables :
- Financer directement des projets concrets. Par exemple, j’achète pas mal d’obligations sur des projets d’énergies renouvelables via Enerfip : ça commence à faire une bonne surface de panneaux solaires financée par mes choix d’investissement. C’est un investissement risqué, dont je ne m’attends pas à des rendements fantastiques sur le long terme : il y aura probablement beaucoup de défauts de remboursement.
- Orienter ma consommation vers des produits plus efficients d’un point de vue ESG et éliminer certains comportements d’achat. Si les entreprises non ESG galèrent à vendre leurs produits, elle vont faire des efforts pour s’adapter ou mettre la clef sous la porte.
- L’engagement citoyen. Si certains d’entre vous se mettent à financer des panneaux solaires ou des batteries après m’avoir lu, même en sachant que l’espérance de rendement ajustée du risque n’est probablement pas folle, j’aurai eu un peu d’impact.
